2020, écrire 2020 que voilà une idée qu’elle est bonne…! De peur en crainte, de vies confinées en libérations anarchiques, d’injonctions contradictoires en masques erratiques, de boulots perdus en épargnes record, la vérité est dans l’art disait l’autre, quand on voit où il en est le monde de l’art, ça veut tout dire…!
Non, en fait il me fatigue 2020 et d’ailleurs à dire vrai, au bout de 20 années d’expérience c’est le 21eme siècle qui me fatigue. Ce vieux machin qui croit réinventer le Monde quand il n’est qu’une resucée grandguignolesque, entre horreur et farce sinistre de l’autre, de ce raté de l’histoire mondiale, le pathétique 19e…Néoconservatisme qu’ils appellent ça, ouaip…!
Ce soir j’ai envie de ma rappeler d’autre chose, d’un autre siècle, de celui qui me vit naitre, pas fameux à ce qu’on dit, pas faux. Pas faux mais au moins a t’il péché à force de porter trop d’espoirs, de fulgurances et d’idées…A force de vouloir élargir la scène, il a parfois, souvent, fait péter tous les murs du théatre c’est vrai, mais avec cette folie qui est celle de la jeunesse, il portait la vie. Trop, mal, se perdant dans les convulsions de l’histoire, finissant par rencontrer la mort, mais il avait le souffle, ce souffle un peu fou des grands siècles…!
Victor Hugo a eu la chance de pouvoir commencer par Ce siècle avait deux ans…Beau, sublime, définitif. Moi je dois me contenter de ce siècle avait soixante dix ans…Soit, copions maladroitement et allons y !
Ce siècle avait soixante dix ans et je naissais, je naissais sous les auspices d’une ville déja porteuse de tous les symboles que prendra après une Petite Couronne Parisienne étouffée et gentrifiée par le siècle à venir. Proche, déja de Victor hugo, je naissais en son Avenue…Je naissais, donc sous les auspices d’une ville et d’une coupe du monde de football…!
Je naissais dans un siècle déjà vieux mais qui ne le savait pas encore. Agité qu’il était par ce qu’il croyait etre son apothéose et qui n’était que sa dernière et maladroite convulsion, il croyait encore qu’il était l’avenir, il croyait presque que du nord au sud, de l’est et meme jusqu’à l’ouest il était en train de gagner la partie, sa partie…!
Parce qu’il était là pour ça, depuis sa jeunesse il voulait transformer le monde. C’était son ambition, c’est pour ça qu’il était là, en finir avec cette vieille bigote hargneuse de 19eme. Cette vieille fille Victorienne qui croyait avoir définitivement éteint les lumières allumées par son prédécesseur. Ce déja néoconservatisme, persuadé que, comme dirait l’autre un jour de 1973 au Chili, l’ordre règne à nouveau à Santiago…!
Il faut dire qu’il avait beaucoup de choses pour lui: La jeunesse, une population nombreuse ankylosée par le harnais d’un sénile et despotique siècle qui ne demandait qu’à se dégourdir. Il avait pour parrains la raison, la science, l’industrie et la technique. Son art lui meme était neuf, vif, inventif. Réflexion esthétique ou manifeste politique, dans tous les cas, une chose était sure, il voulait éclater les normes.
Avec lui, l’humain allait enfin naitre, débarrassé des vieux despotes, libéré de l’ignorance par l’école, délivré de l’emprise des cultes et des superstitions, enfin l’humanité pouvait apparaitre en toute clarté et justice. L’humanité allait pouvoir se redécouvrir, se transcender et enfin, dans sa multitude pouvoir atteindre cette lumière vaguement entrevue au 18eme. A sa naissance il était ça, un Monde nouveau pour un Homme nouveau…!
Du passé on allait forcément faire table rase, il était le passé, on est l’avenir…Ce nétait plus ailleurs et après, quand après s’etre courbé toute une vie sous les tous les jougs, il fallait en plus dire merci et demander pardon…Non, ça allait etre ici et maintenant. Belle promesse, belle ambition…Trop belles, terriblement trop belles. Il tint des promesses, il en trahit, il fut trahi et empeché et termina là où il avait débuté…!
Il termina là où il avait commencé quand les vaincus de sa naissance : moralistes étroits, théocrates totalitaires, apotres de la prédation et de l’anarchie économique, exécuteurs de la Raison prétendant que les conséquences n’avaient pas de cause, sophistes de la démocratie n’agitant que le drapeau facile et rétrograde de la démagogie. Tous, sous l’air de l’hymne à la joie vinrent prendre leur revanche. Et pas à pas, méthodiquement ils vinrent détruire, déconstruire ces progrès acquis pour l’humanité. Une humanité qui pour un moment, leur avait un peu echappé…Oh, peu, très peu, mais c’était déja trop…!
Alors, quand vint la fin de ce siècle, l’ordre ancien affublé des oripeaux d’un monde qui se prétendait nouveau, remit l’humanité sous coupe réglée. Mais les faits sont tetus et meme cuisiné à la sauce Facebook ou Instagram, Adolphe Thiers restera toujours Adolphe Thiers. Il vous parlera de High Tech et de Start Up, mais, et meme malgré lui, de la meme façon qu’il ne pourra, comme un amusant hommage à Lacan, employer que le mot réel pour désigner la réalité, jamais à la fin, il ne pourra faire autre chose que massacrer la Commune…!
Et nous voilà, ce soir, autour de ce 2020, concentration crispée et apeurée des contradictions de ce monde, de ce siècle à peine trentenaire et pourtant déja si vieux. En parler, le dire ? Non, décidément non, je le laisse à qui en veux et retourne à mes livres d’histoire, jusqu’à ce que l’Histoire, à nouveau sorte du livre.