Se remettre à écrire, se remettre à vivre ou plutot continuer à exister puisqu’il ne reste plus que cela à faire. Alors que cette vie après ma vie, entamée dans la douleur d’une exécution s’achève ne laissant que ruines, amertume détresse et blessures, une autre commence ; une vie dont je ne sais rien. Les si riches vestiges de tant d’aventures, de tant de destinées sont figés, brisés entassés dans les décombres d’une maison. Une maison, un lieu, assassiné, scarifié par les marques d’une lutte et d’une résistance. Une résistance, un combat devenu forcené par la perversité de l’attaque et qui était perdu d’avance. Une maison devenue tombeau. Une tombe engrillagée aux pieds de laquelle s’ouvre un horizon. Un nouvel horizon.
Il vous voit seul, sans rien, vaquant à pied sur des chemins dépourvus de sens ou d’amitiés. C’est un drole d’horizon que celui là me direz vous…Certes, mais c’est un horizon. Un horizon sans envies, un horizon d’où la vie s’est enfuie, un horizon d’attentes de rien, un horizon sans saveurs, sans couleurs ou odeurs, une longue marche vers la triste délivrance, un horizon parsemé de tant de fantomes qu’il en donne la nausée, mais un horizon.
Depuis le drame, depuis que toutes les boucles se sont bouclées et que j’ai été posé là, comme un vieux meuble dont on ne sait plus trop quoi faire, je la cherche cette vie d’après tout, cette dernière étape d’une vie qui, à force de se vouloir épopée, a fini par rencontrer toute la tragédie d’un destin. Je la cherche et ne la trouve pas. Parce qu’elle est introuvable. Elle n’existe pas. Il faudrait avoir le courage de choisir la route, la cloche, de partir sans se retourner et avancer, errer, forcément errer. Errer comme tous ces fantomes qui viennent à moi sans que je ne sache s’ils sont compatissants ou vengeurs.
Ce courage de partir, je ne l’aurai pas. Alors il faut vivre. Vivre pour rien, avec rien et quand tout vous dit le contraire, mais vivre. Après tout, on peut se raconter des histoires, imaginer qu’il y aura de nouveaux chemins : de nouveaux lieux, de nouveaux boulots, de nouvelles personnes et que tout va recommencer. Oui, on peut…Sauf qu’on le sait très bien qu’il n’y en aura pas, on sait que de subsistances en souffrances, de solitudes en précarités, il n’y aura plus qu’une longue torture qui ne s’arretera que quand le corps en aura trop marre. Quelle larmoyante complaisance me direz vous…Non, je ne suis pas triste en écrivant ces mots, juste lucide et fatigué. J’ai en moi tant de vies, de souvenirs, d’émotions, ma mémoire est tellement pleine de tant d’intensités tristes comme joyeuses ; moi qui n’aime tellement pas cette vie qu’on nous impose, j’ai pourtant tellement vécu, j’ai tellement aimé les vivre, ces pires comme ces meilleurs, qu’il faut que ce coup, ce dernier coup, soit celui de grace.