Au milieu du cloaque étaient deux petits mots…

Le souffle…Le souffle d’un texte, le rythme et l’élan, la vitesse et le mouvement d’un moment de vie ou d’une idée, les mots qui défilent, les doigts qui flottent sur le clavier, les mots qui viennent les uns après les autres, qui s’enchainent dans la clarté d’un esprit et qui se lient, qui font des paragraphes, qui s’organisent d’eux memes, la musique qui s’impose d’elle meme, un mot, une idée, un paysage, un portrait et commence le voyage…C’était écrire, c’était moi, un jour, cela n’a plus été possible, je ne pouvais plus, dernier avatar d’une année de chute mon cerveau tournait en rond, tournait sur lui meme, la clarté n’existait plus, c’était le royaume de la confusion, l’empire meme plus du désespoir mais de la dépression, le break down, une chute, j’étais à terre, je me croyait mort, mort pour moi, mort pour les autres, le monde et la vie…Je me rappelai Kafka et comme Gregor Samsa, d’abord horrifié puis résigné je subissait ma métamorphose, je laissait venir le cloporte…Et pourtant, tout au fond, du tréfonds de mon ame une étincelle microscopique ne voulut pas s’éteindre, elle n’avait pas de nom ou bien je ne pouvais pas l’entendre, les lambeaux de moi se détachaient laissant apparaitre la carapace, je m’affaissais et me faisait à cette non identité quand elle me dit son nom, quand elle me parla de sa nature, l’étincelle, cette petite fée restée envers et contre tout en moi tenait en deux mots qu’au milieu de mon souterrain je ressentais sans pouvoir le comprendre ou l’exprimer, je veux…!

Je croyais que je ne voulais plus, je croyais qu’il n’y avait plus rien à vouloir ni espérer, que ce désespoir mu en dépression était la conclusion, qu’il n’y avait plus qu’à souffrir, se laisser faire pour ne plus souffrir, tomber dans un coma éveillé, devenir un pantin respirant, je croyais que l’abandon était la solution, je croyais que rester là et attendre la fin, attendre la fin à l’abri d’un mouroir psychique qui finirait de m’oter mon identité, mes restes de dignité, qui finirait de me marquer des stigmates de l’échec, de la défaite était le bout déja écrit depuis tant d’années, depuis tant de tentatives, depuis tant d’espoirs déçus de mon chemin, la conclusion presque logique de cette route hasardeuse, sinueuse à la fois merveilleuse et pathétique qui m’avait fait tout voir, tout ressentir, tout toucher mais jamais rien tenir, jamais rien réaliser, le terminus attendu de ce voyage intense mais vide, de ce voyage où tout fut facile ou impossible, de ce voyage d’où le difficile fut toujours absent, ce voyage d’où le défi se refusa toujours à moi ou bien ce voyage où je ne fus jamais à la hauteur du défi, la fin évidente de ce périple de plus de quarante ans dans la douceur insipide du rien…!

Meme le roman me le disait, meme ma nature, mon esprit romanesque, ma quete d’un sens, d’un destin, de ce quelque chose qui nous transcenderait me l’affirmait, ce reve quarantenaire de quelqu’un qui voulait surtout ne jamais revenir en Bretagne, ce reve de quelqu’un qui avait une peur superstitieuse, presque magique d’une boucle tragique qui se bouclerait si elle revenait, semblait après tout se réaliser…La route de Lorient et ses trois cercueils…Ils étaient là, 1 puis 2 et venait le troisième, dans une boucle finale à l’ironie féroce et drolatique…Un univers qui fut un reve, un paradis, un concentré de toutes les vitalites possible qui finit vide, ruine, froid et délabré et ses occupants…L’un dans un cimetière oublie de Dieu et des hommes, l’autre perdue dans un ehpad et le troisieme achevant de se detruire a l’asile et le tout s’achevant sous le sceau d’une décision prise à Lorient, meme la pensée magique semblait donner son verdict, son accord, tout rejoignait tout, le destin était dit, le roman était construit, achevé, il se tenait, tous les cauchemars étaient à leurs places, c’était la fin de l’histoire…!

Et après tout, les faits donnaient raison, avalisaient, confirmaient le verdict, mon corps n’était plus qu’une convulsion informe d’où s’échappaient des cris déments, je n’étais plus en état de ne rien faire, je ne tenais plus debout que quatre heures par jour, toute concentration ou désir s’étaient envolés, ma vie passée, mes souvenirs meme les plus beaux n’étaient plus qu’une douleur, les pensées tournaient en moi à une vitesse vertigineuse et délirante m’empechant de me poser, de penser à quoi que ce soit et meme ma vie, on venait de la nier, de l’insulter, de me la voler, je n’avais plus de quoi vivre, il me restait à peine un toit froid et ruiné dans lequel je pouvais encore tourner en rond comme un lion fou perdu dans le cercle de sa cage…Alors vouloir…Il ne me restait que l’abandon, le fond, j’y ai été, dans le trou du désordre, du chaos, de la crasse et de l’alcool, j’y ai été pour attendre, attendre et appeler comme le damné que j’étais la seule chose possible, la seule issue qui pouvait me rendre au moins le calme et la paix, je l’ai appelé, jour après jours j’ai prié, des serments, des promesses que je ne voulais pas trahir, des peines que je ne voulait pas infliger m’empechaient d’aller vers elle alors je la suppliait de venir à moi, elle n’a pas voulu venir, il ne me restait plus qu’à m’enterrer vivant, me coucher et attendre…!

Et j’ai attendu dans le froid, les spasmes et ce silence brisé seulement par ces cris d’animal fou et blessé, mais ça s’accroche la vie, ça vit la vie…Les matins aussi douloureux et déments fussent ils restaient des matins, dans leur puissance vitale ils parvenaient à transormer ma carapace de cloporte naissant, presque par force ils m’obligeaient à voir, à entendre, à ressentir, obstinés ils m’offraient des instants, des paysages, des lumières…La vie, cette vie dont on ne se sépare pas si facilement que ça continuait de me parler, d’insinuer en moi, dans ce que je croyais etre une mort des beautés, des plaisirs fugaces mais insistants, la vie se rappelait à moi comme pour me faire comprendre que je l’aimais encore, qu’elle me manquait, elle tentait je crois à me dire que le destin n’y était pour rien, la logique ou la magie encore moins, elle me disait tu ne meurs pas parce que tu ne m’aimes plus mais parce que tu as peur de m’aimer…Je suis belle, je suis forte, je suis aussi terrible que séduisante, pour me séduire il faut se battre, s’accepter, accepter ses forces et ses faiblesses et combattre…Tu as peur, peur d’affronter la vérité, ta première vérité, ta première vraie peur, ton premier vrai vertige, ton premier vrai combat…!

Ne crois pas que tu ne veux plus, tu veux…Tu veux, je veux, ce murmure restait inaudible mais il était là, il était ces vaisselles que je m’évertuais à faire, ce ménage auquel je me suis remis sans savoir pourquoi, ce rez de jardin que j’ai commencé à vider comme un automate, je ne les entendaient pas, je ne les comprenaient pas mais au détour de mes crispations, de mes spasmes, de ces cris qui me rappelaient à l’ordre dès que je voulais tenter de me relacher ne serait ce qu’un tout petit peu, ils étaient là ces mots silencieux, comme un petit point presque invisible…J’en étais là, flottant et perdu, incapable de toutes décisions quand une main amicale, la main d’une amie assez exceptionnelle quoi qu’elle en dise s’est tendue vers moi…Alors mes yeux se sont ouverts, mon esprit a enfin entendu ce faible murmure qui demeurait en moi, une main amie m’a permis de réentendre le chant de la vie et ces deux mots sont venus à ma conscience…je veux…!

Alors oui, je veux encore…Encore faire, encore rever, encore espérer, encore construire et réussir, encore rire, chanter et aimer, ne plus être fou et triste mais dingue et drôle, je veux que se dissipe le brouillard et tout ce temps perdu à tourner en moi, je veux, je veux encore…Vivre…Encore vivre, s’il le faut je veux bien continuer de convulser, de crier, de tourner en rond et en douleur entre ces murs qui me paraissent chaque jour plus rapprochés, à quatre pattes, à genoux, sur les mains ou comment le monde voudra mais je veux, je desire la douceur des matins, la paix des soirs et la magie de la nuit…Je veux et même j’ai besoin de ces défis, de ces dangers, de cette vitesse, de ce voyage insense qu’est une vie…Apres mon dernier périple, apres cette quasi tentation Faustienne, apres cette chute…C’est dingue mais oui, je veux…!

Je veux encore, ce n’est pas la métamorphose qui s’achève, ce n’est que moi, toujours moi qui suis là, pas d’insecte naissant mais moi, moi et une peur, ma peur, celle que j’ai toujours eu peut etre et qui durant une année a montré son visage de façon claire et brutale…J’ai la trouille, une peur infantile, animale, primale, celle de la paralysie, celle du cri, l’horreur devant l’angoisse, le cri, celui de Munch…C’est énorme mais ce n’est que ça, ça barre la route, ça effraie mais la peur n’est pas le désespoir, ce n’est pas l’effondrement, ce n’est pas un état c’est une réaction, ce n’est pas une structure c’est un traumatisme, ce n’est pas une félure ou une faiblesse de l’ame, c’est une blessure, profonde mais une blessure, une douleur qui se maitrise, qui se cicatrise….Avoir peur ce n’est pas etre au bout d’un chemin et n’avoir plus qu’à décider des moyens d’user de l’ultime liberté humaine, mettre fin au jeu…!

La peur n’est que la peur, elle paralyse, elle rend fou, mais le pire quand la peur prend le controle, quand elle emplit votre etre c’est qu’elle se cache…Elle se masque derrière des fatigues, des épuisements physiques, elle vous fait penser à tout sauf à elle, elle appelle en vous des tas de pseudo certitudes, elle se pare des effets de toutes les « romanisations », elle vous persuade qu’elle n’existe pas, que vous n’avez toujours peur de rien, vous etes malade, vous devenez fou, vous etes pourquoi pas victime du destin, mais peur moi…? Jamais ! Vous préférez tout à ça, vos boyaux se tordent, vos pensées tournent de façon presque autistique comme pour vous persuader que ça vient d’ailleurs, que vous etes casse, epuise, que vous etes simplement au bout de votre route, que c’est la vie qui…Les autres qui…Que sais je…!

Elle vous dit je ne suis pas la peur, je suis juste ta si logique fin…Mais non, j’avais juste peur, j’ai écouté une peur qui ne voulait pas dire son nom, que je ne voulais pas admettre et je me suis cru mort, j’étais juste apeuré…Apeuré que ma dernière sécurité s’effondre, apeuré de devoir tout recommencer, apeuré d’etre revenu à mes 19 ans, apeuré d’etre redevenu un humain seul, face au monde, j’etais apeuré, effraye d’etre seul, d’avoir toutes les responsabilités, j’étais effrayé que tous les chemins face à moi soient devenus flous, je n’avais plus rien, il n’y avait plus que moi et des chemins…Tous les chemins et moi, moi, ma bite et mon couteau…Ca portait un nom ça, la liberté…Oui, n’ayant plus rien j’etais libre…Et ça ça fout la trouille, une peur panique…!

Bien sur c’etait cette liberté du loup de la fable, cette liberté amaigrie, je venais de perdre ce collier qui assurait mon gras, le chien apeuré de perdre ses maitres couinait d’avoir à perdre la si chaude paille de sa niche, il lui fallait les cotes éflanquées retourner dans la foret et se battre, redevenir un loup…Ca fait peur mais oui, je suis redevenu libre, fini de japper maintenant il faut hurler, ne plus marcher la tete basse et la queue entre les jambes mais lever la tete vers la lune, vers le ciel, encore et toujours…Je suis un homme, je suis libre, je suis debout ! Je suis finalement ce que sera toujours l’humanité, une liberté, une peur devant cette liberté et une volonté…Là j’ai décidé d’agir, j’ai pris le recul, je me suis offert une nouvelle épreuve et le murmure est devenu un cri, un puissant souffle océanique, il a éclaté comme les milles lumières d’un feu d’artifice dans un ciel noir…Je veux…!

C’était là, évident, un aveu fabuleux, une conscience joyeuse et aveuglante, je m’étais trompe, je me suis trompe, la volonté, le désir et la vie sont toujours en moi…Je n’ai plus rien mais eux sont là, ils sont en moi, ils bougent en moi, c’est peut etre eux qu’expriment ces cris, sont ils le délire de l’abandon ou la sirène de la révolte…? C’est peut etre se qui se bat en moi, tout est à faire et alors…? Le pire des risques ou le plus beau des défis, pourquoi se laisser aveugler par le risque et s’empecher de ressentir ce frémissement de l’échine qui signe le défi…? J’ai quelques mois à vivre dans tous les dangers, toutes les précarités et alors…? Je veux…Et tant qu’on veut la vie est toujours devant soi…Si tu veux savoir où tu vas, regardes d’où tu viens, c’était beau, parfois difficile mais beau, alors ce sera difficile mais beau…Si je le veux et cette certitude est en moi, je veux alors, I’ll be back…!

Les deux instincts fondamentaux, La pulsion de vie et la pulsion de mort, eros et thanatos…Entre les deux, les deux moteurs de la vie, la peur et le désir, l’envie…Toute une existence ils nous font nous dépasser ou tomber, ils jouent ensemble, s’entremèlent, parfois se confondent, se perdent dans ce bouillon infini et permanent qu’est notre chimie cérébrale, meme la peur qui est là pour nous avertir, nous protéger, nous préserver, nous faire réagir, nous défendre et vaincre le danger parvient à se leurrer elle meme, à nous leurrer et au lieu de nous pousser à l’action elle nous paralyse et fait sauter le système, c’est notre instinct de survie lui meme qui nous dépossède alors de l’envie et nous livre corps et esprit liés vers l’abandon, vers thanatos…Curieux paradoxe d’une vie, d’une humanité qui en compte tant, mais après tout, nous ne sommes pas en vie, nous sommes la vie, beaux compliqués comme elle, alors admettons les paradoxes, dépassons les et luttons, on est là pour ça après tout, depuis notre conception, nous sommes tous des vainqueurs…Si nous sommes nés c’est qu’au moins une fois nous avons remporté une gigantesque et terrible bataille, celle d’un seul survivant, alors continuons, luttons et gagnons…!

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