Le temps qui passe, la nostalgie des fins d’été, l’Histoire…Quand l’imagination est au pouvoir, la mienne en tous cas elle se retourne et regarde beaucoup dans tous les rétroviseurs du temps en ce moment…Et là dedans, où est demain…? Comment pourrait elle le penser quand sa principale activité est de liquider sans trop de casse un quart de siècle de construction et d’existence, quand on se sent seul survivant ou presque de toute une famille, qu’une maladie est le deuxième pilier de votre vie et que vous sentez s’approcher meme s’il est encore un peu loin le couperet de la cinquantaine…Joli tableau qui sent plus le sapin et le prozac que le thym et la lavande de garrigues ensoleillées…Alors regarder devant, imaginer la suite de la route…!
Bien sur meme si je n’en ai pas plus envie que ça elle va continuer cette route, elle va m’emporter, alors je vais avancer, pas plus qu’on échappe au passé ou au présent, on n’échappe au futur, sa réalité sera là et il faudra l’accepter, s’y adapter, tenter d’en tirer le meilleur et à la fin, que je sois parvenu à le maitriser ou qu’il m’échappe pour m’emporter vers le fond, il sera toujours le mien, l’avenir est toujours ce que nous en faisons, il n’est jamais le futur de la fatalité, de pas de chance, il est toujours le notre…!
L’existence précède l’essence…Quelle étrange phrase pour un monde et une vie qui semblent surtout porter le poids de toutes les fatalités sociales, culturelles, psychologiques, politiques et religieuses, quelle étrange phrase pour une société de consommation qui ne tient que sur l’obligation d’une hyper adaptabilité, soumission à tous les cadres de ces cages marketing qui prétendent connaitre nos désirs avant nous et dicter ce que nous croyons etre nos choix…On aurait plutot l’impression que cette liberté existentielle n’est qu’un leurre parmi d’autres et que ce sont plus nos essences qui précèdent, qui dictent nos existences…On avance sur cette voie par d’autres et pour nous tracée, on ne choisit pas, on suit…!
Et pourtant, seuls face au monde, libres malgré tout, responsables en tous cas, les carrefours se présentent, qu’ils portent le nom de l’obligation, de l’aventure, des principes, de la foi ou tout simplement de la survie, vertigineux ou rassurants ils sont là et nous devons trancher, quitter la voie qui était la notre, quitter cette ambiguité dont comme disait l’autre on ne sort qu’à ses dépends et choisir…Avec ce que l’on est, avec notre passé et tous ces poids qui peuvent alourdir notre jugement, avec nos convictions dont on ne sait si elles sont les meilleures, seuls, à ce moment on est toujours seul, il faut se jeter dans le vide lesté de nos incertitudes comme de nos espoirs, parce que c’est ainsi, c’est la vie, vivre c’est choisir…!
La vie est un choix, ce choix qui est toujours face à nous, prendre à droite, à gauche, rester là, révolutionner, prendre le risque, préserver, à chaque pas de l’existence il est là, simple ou délicat il prétend toujours à la fin ne pas en etre un, c’est là un de ses paradoxes, le choix se fait toujours dès que l’on parvient à se persuader qu’il n’y a pas le choix…On ne choisit que l’évidence qui prétend s’imposer pour nous emmener vers l’inévitable, le nécessaire ou le meilleur, rassurés par ce sentiment de ne pas avoir le choix, on choisit…Et meme si il est sacrificiel, si il va emporter jusqu’à une identité, on croit en lui quand au petit matin on prend un avion ou on porte une lettre de démission, on croit en son évidence quand porté par la foi ou le devoir on tranche dans le vif…!
Et qu’on oublie que comme le dit l’expression tout choix est un deuil…Choisir c’est tuer, alors que vais je choisir de tuer…? La question semble à la fois artificielle et Cornélienne, parfois elle l’est véritablement quand il s’agit de savoir si l’on préfère se débarrasser d’une vie efficace ou de l’idée d’une mère, la question l’est en fait toujours quand on songe que dans chaque proposition d’un choix il y a une part de soi meme, quand on n’est plus simplement face à une décision à prendre, un petit obstacle sur la route mais face à un véritable « choix », un carrefour de notre existence, la décision finale va emporter, faire disparaitre une part de nous meme, alors que vaut il mieux tuer en moi…? Une question à laquelle on ne répond jamais, qu’on ne veut surtout pas se poser quand on se sent poussé par la conviction et la force de la décision…!
Vivre c’est choisir…J’en suis à six ruptures de vies, à six carrefours, à six choix, le dernier m’a entrainé dans un piège qui semble devoir marquer la fin de tout, alors…? Alors on s’emporte toujours avec soi et au terme de ces voyages je me demande si on choisit jamais, on change de ville, de statut, d’univers professionnel, amical, amoureux, parfois comme maintenant l’enfer s’ouvre sous vos pieds, parfois la félicité semble vous gratifier de tous ses bienfaits, parfois malgré des latitudes nouvelles la vie s’écoule comme elle l’a toujours fait, les choix peuvent etre noirs, bleus ou gris, ils transforment vos modes de vie mais jamais votre vie, meme si parfois vous en avez l’impression, in fine vient toujours un moment où vous découvrez que c’est toujours vous qui etes là avec vos forces et vos faiblesses, vos vérités, vos fautes, vos victoires et vos erreurs, le décor change, vos interlocuteurs changent, vous et le fondamental de votre existence non…!
Si en 1990, si en 1993, si en 1995, si en 1999, si en 2004, si en 2011…Un spécialiste du tranchage dans le vif vous dira qu’il ne sait plus, tant de fois j’y ai cru, tant de fois j’y ai été, j’ai traversé la France, j’ai étudié, vécu, bossé, cru, là ou ailleurs. Je me suis perdu, retrouvé, reperdu encore et retrouvé et etc…et puis quoi…?
J’ai échappé à six vies, j’en ai eu six autres, elles m’ont toutes beaucoup apporté, parfois je pense aux autres, à celles que je ne connaitrai jamais, après tout elles m’auraient sans doute apporté autant, peut etre plus, les voies auraient été différentes mais je ne crois pas qu’elles m’auraient apporté moins…!
Un choix vous fait il rater une vie? Je viens de dire non, malgré tous les bouleversements, on reste toujours là. Et pourtant…Parfois…Quand un choix est plus fort que vous, quand la part de vous meme qu’il emporte touche à votre identité profonde, vous déstabilise au coeur de ce que vous etes ou etes parvenu à devenir, qu’il porte en lui une réalité qui va vous emmener dans un ailleurs qui peut vous détruire, vous mettre face à la pire crudité de vos faiblesses…Un soir, une main sur un sac, une seconde et tout en le sachant, ce fut meme ma dernière résistance face au choix, j’ai décidé tout à la fois de preter le flanc aux pires des clichés et des stéréotypes, de sortir des lumières du monde pour assumer l’obscurité de la vieillesse, de la maladie et ainsi offrir à un contexte un portrait qui allait caricaturer ma seule faiblesse, au risque de sombrer en elle…Alors oui, il est des choix qui nous enferment dans une réalité qui nous entraine vers nos pires et là ils peuvent nous faire chuter…!
Et pourtant je ne crois pas à la fatalité de nos choix, c’est vrai qu’ils créent une réalité qu’il faut bien suivre, qu’il faut assumer, on en est responsable, elle peut nous mener à nos pires, mais elle peut aussi nous aider à réagir, dans cette réalité on peut y apprendre, dans la douleur, mais y apprendre à évoluer, à la maitriser pour la changer, elle nous montre le pire de nous meme, finalement c’est une chance, il n’y a plus qu’à se battre et tirer des leçons pour le prochain carrefour, le prochain choix qui viendra, fatalement, pour ce futur qui n’existe pas en tant qu’objet de frayeur ou d’idéal, qui n’est que le prochain pas de cette vie qui elle est toujours devant nous et c’est peut etre ça que l’on peut choisir vraiment, de vivre…Toujours y croire, se battre, apprendre et ne jamais renoncer…!
Une imagination qui regarde beaucoup dans les rétroviseurs en ce moment…Peut etre pas finalement. Elle fait le point. Elle se recentre pour chercher une force. Elle profite de cette étrange immobilité intense qu’est le chaos. Ce chaos qui ne laisse pas une seconde de liberté à l’esprit pour se souvenir de ce que sont ses forces. Ce n’est pas le passé qu’elle regarde, c’est ce qui a amené au bord de ce gouffre. Elle se fixe surce que j’ai été, ce que je suis pour me persuader de repartir. Elle me montre tout ce que j’ai pu faire, ce que j’ai pu donner, tout ce que l’on a pu me donner et m’apporter aussi. Et, elle me dit que si la vie est un choix, une suite de fractures elle est aussi une route, une progression vers cet essentiel que chacun nous portons tous en nous. Vivre c’est choisir. Oui, c’est choisir de vivre. De vivre toujours, parce que lui, sera toujours là avec ses risques et ses promesses, demain.