L’ame combattive…Elle a du mal ce vendredi matin, pourquoi ce matin ni pire ni meilleur que les autres, je ne sais pas…Peut etre le terme d’une semaine qui aura encore eu son lot de surprise en forme de coup de massue, peut etre ce temps immobile, fade et gris, peut etre la fin du mois, peut etre la fatigue d’une mauvaise nuit, ou peut etre simplement qu’elle en a marre l’ame combattive…!
Marre de ce cercle infernal qui la suit depuis maintenant plus de sept mois, Etre dans la dépression, dans l’angoisse, se reprendre, agir, retrouver un nouvel obstacle, retomber, remonter pour qu’à nouveau un nouvel élément vienne vous faucher les jambes et encore se récupérer et ainsi de suite…C’est épuisant, c’est long, ça ne fait surnager qu’une idée, disparaitre, symboliquement ou réellement, mais disparaitre et pourtant non, revient toujours l’idée, obstinée, que faire pour en sortir…?
Alors je me reprends dans la douleur et je fais, j’agis, redevient acteur autant que je peux, je refuse la tentation victimaire et je prends les devants, je colmate, je m’en prends à moi meme et j’évolue mais ça va toujours plus vite que moi, forcément, là aussi le texte a déja été écrit, « tout a une fin, meme les cons », il n’y a rien à dire de plus et parfois, je me retrouve face à cette image, cette impression de me débattre, de me tortiller comme un poisson hors de l’eau pour mieux m’asphyxier…!
C’est vrai, la beauté du monde, de la vie, des choses est là, elle m’accompagne sur cette bizarre via dolorosa qui s’est ouverte face à moi, autant de coins de ciel bleu qui me sont plus que précieux, ils sont des amis auxquels je tiens et que je ne remercierai jamais assez de supporter avec moi cette épreuve, ils sont des lieux que pour certains je redécouvre et qui deviennent des havres qui permettent de survivre à la tempete, ils sont des souvenirs, des émotions qui parviennent à franchir le barrage de mes tensions et apaisent les blessures, ils sont meme des instants de sérénité qui se dessinent parfois sans prévenir au milieu du chaos…!
Ces belles choses, oui elles sont là, je ne le nie pas, au contraire elles sont tout ce qu’il me reste, elles sont ce qui me fait tenir debout, elles sont ce qui toujours me fait revenir à la question que faire pour en sortir, c’est grace à elles que je m’accroche, que je refuse de céder à la tentation des pensées sombres, des idées d’abandon ou de chute qui m’assaillent dès le réveil, oui le monde, la vie ont leurs beautés et la mienne a les siennes, mais…!
Mais que dire à un corps et un esprit qui n’en peuvent plus de tenir depuis près de quinze ans et qui ont craqué cet hiver, ne pouvant plus voir une vie, une identité dans cette activité, dans cette organisation qui par définition les nie, les efface, les empeche d’etre jusqu’à arriver à ce mois de juin, à cette accélération, à cette conjonction qui détruit tous les équilibres de l’édifice…Oui, que dire à ce corps et cet esprit qui dans leurs souvenirs se revoient exister puis regardent ce que ces années ont fait d’eux…Oui, que me dire à moi meme, que me dire quand je regarde cette ombre défigurée…?
La réponse est claire, etre un autre, accepter cette fin symbolique, faire le deuil de moi meme et changer, regarder meme pourquoi pas le déferlement de ces terrifiantes forces de la fatalité comme une opportunité simple et radicale, là si je ne change pas, si je ne lache pas prise sur tout, si je ne me regarde pas en face en abandonnant toute complaisance, je suis emporté dans la tornade, d’une façon ou d’une autre, je meurs…Alors, au milieu du reste, en plus du reste, je change…!
Tout, mes convictions, mon regard sur le monde, les etres, ma façon d’etre, je fais le deuil d’une personnalité que j’aimais mais qui est arrivée au terme de ses équilibres comme de ses contradictions, je fais le deuil d’une vie décalée, excentrée qu’elle aussi j’aimais mais qui elle aussi est arrivée au bout de ses possibilités, après tout, quarante six ans à confortablement regarder et profiter du monde bercé dans un balancement entre douce mélancolie et riante ironie, ce n’est pas si mal…!
Quarante six ans de confort c’est vrai, quarante six ans à se battre aussi, à se battre pour soi, dépasser ses faiblesses, pour parvenir à imposer l’idée qu’un handicap verbal a le droit de s’épanouir dans les lumières du monde et de la vie, à se battre pour travailler là où on souhaite et y réussir, à se battre pour des idées, pour les autres, pour construire des projets comme des univers, à se battre enfin pour une personne et une maladie, mais jamais pour survivre finalement, quelle était cette vie, qu’y ai je vraiment fait, qu’ai je vraiment donné, quelle part de moi meme ai-je vraiment dépassé…?
C’est vrai, j’ai lutté et j’ai travaillé pour batir cette sécurité, cette sérénité aujourd’hui détruite, je me suis battu contre des pseudos fatalités et aussi contre mes tares, j’ai travaillé et un jour j’ai eu de la chance, j’ai pu exister en n’étant plus dépendant de rien, ce confort était légitime et à la fin j’ai choisi de le mettre au service d’une mère et d’une maladie, il s’y est épuisé, je n’ai pas à avoir honte du confort de vie qui était le mien, mais n’était il pas inévitable et meme juste, voire meme souhaitable qu’un autre combat, le premier des combats, le combat pour survivre se dresse un jour face à moi…?
Oui, je crois que c’est lui qui est là aujourd’hui, le combat pour survivre, celui qui va me demander d’etre moi meme, peut etre pour la première fois, celui qui va me demander de prouver ce que j’ai cru etre toute ma vie, un jour j’ai écrit les mots sont grands, la vie est simple, c’était mon existence…Là en est une autre où les mots, les idées paraissent petits et artificiels et la vie d’une rudesse et d’une grandeur inatteignables, mais après tout, c’est peut etre ça le fond de tout cela…M’obliger à etre sans me protéger, finalement de me permettre de vivre…!